États-Unis La croissance au détriment des prix
Dynamique. Le prix du lait à la production ne dépasse pas les 285 €/t depuis quatre ans aux États-Unis. Les arrêts de collecte et les cessations se multiplient, mais la production progresse.
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Les ruptures de contrats de collecte se succèdent depuis quelques mois aux États-Unis. Dean Foods, le leader du lait liquide, a lâché une centaine d’éleveurs en début d’année. Arla a dénoncé onze contrats dans le Wisconsin en mai. Et toujours dans le Wisconsin, Grassland Dairy en a laissé 75 fin 2017. Les éleveurs disposent de quatre-vingt-dix jours, voire seulement trente, pour trouver un autre collecteur. Ce phénomène est nouveau, mais il pourrait s’installer selon Mark Stephenson, spécialiste de la filière laitière à l’université du Wisconsin.
Les industriels invoquent divers motifs : la concurrence canadienne, ou celle d’une nouvelle usine d’embouteillage construite par Walmart, le leader de la grande distribution. Et surtout, l’excès de lait. Les usines ne peuvent plus digérer ce flot blanc. Cela fait quatre ans que les prix à la production sont au plus bas, inférieurs à 17 $/cwt, soit moins de 285 € la tonne.
La surproduction, responsable de cette faiblesse des cours, a plusieurs origines. D’une part, la consommation a fléchi, notamment pour le lait liquide. La concurrence avec les produits d’origine végétale se renforce d’année en année. D’autre part, les prix bas incitent les éleveurs à produire toujours plus, entretenant la spirale à la baisse. La production progresse chaque année depuis quatre ans. Et les États-Unis ont investi l’export. En juin, le Wisconsin constatait qu’il avait perdu 338 fermes laitières en douze mois. Mais le nombre de vaches s’est quasiment maintenu. Et leur productivité bat des records. À l’échelle du pays, le nombre de vaches progresse régulièrement.
Un soutien coûteux mais insuffisant
Outre la dénonciation des contrats, la diversification est une piste explorée par les industriels : lait bio ou produit à l’herbe. Mais les surcoûts engendrés sont difficiles à amortir. Dean Food accroît son implantation sur le marché des « laits » végétaux. Une terminologie que la filière souhaite interdire. Des négociations sont en cours avec l’administration.
Le programme de protection des marges aide un peu. Il s’agit d’un système de garantie d’un certain niveau de marge sur coût alimentaire. Les éleveurs s’engagent en choisissant un niveau de couverture. Ils sont indemnisés quand la marge sur coût alimentaire descend en dessous de ce seuil. Ceux qui ont souscrit (55 %) ont perçu en moyenne 7 000 $ au premier semestre, soit un peu plus de 5 €/t. Insuffisant. Le coût net pour l’État s’élève à 91,5 M$.
D’autres nuages dans le ciel
D’autres nuages s’amoncellent dans le ciel américain. La guerre commerciale qui se joue avec Pékin, mais aussi avec le voisin mexicain, pourrait coûter 20 €/t sur le prix du lait du second semestre. En juillet, les économistes ont revu leurs prévisions de prix à la baisse. Donald Trump a annoncé un budget de 12 milliards de dollars pour soutenir l’agriculture, mais la répartition de ces aides restait inconnue fin juillet. Et puis, il y a l’enjeu d’une nouvelle loi sur l’immigration. On estime qu’environ la moitié de la main-d’œuvre est illégale sur les fermes américaines. Le syndicalisme, qui semble avoir l’oreille de Trump, espère pouvoir compter sur un système de visas provisoires pour sécuriser la main-d’œuvre.
Enfin, le Farm Bill (loi agricole) est de nouveau en discussion. Avec des pressions de la part des producteurs pour relever les seuils de protection de marge.
Pascale Le CannPour accéder à l'ensembles nos offres :